A propos du foot

Quelques analyses, réflexions et commentaires à propos du football. Que serait le monde sans ce sport ? Mieux, où irait-il sans cet art ?

jeudi 10 avril 2014

Le Barça, ses problèmes structurels et son déclin annoncé

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Dans quelques années, quand la roue aura tourné (car elle tourne toujours) les supporters de l'Atletico Madrid repenseront avec une fierté nostalgique à la victoire de leur équipe contre le FC Barcelone en quart de finale de la Ligue des champions (1-0, mercredi 9 avril 2014). Mais ils éprouveront aussi des regrets car les "colchoneros" sont vraiment passés à côté d'un plus grand exploit. En effet, c'est par un 3-0 voire un 4-0 que ce match aurait dû se terminer. L'Atletico a manqué le ko à un moment où les joueurs du Barça ne savaient plus où ils étaient. Leur désarroi était encore plus important que lorsqu'il furent balayés, un an plus tôt, par le Bayern de Munich en demi-finales de la Ligue des champions (0-4, 0-3).

Après cette défaite contre les Bavarois, on avait annoncé la fin d'une époque, celle d'un Barça outrageusement dominateur, abandonnant quelques miettes à ses rivaux. Mais la saison en cours a laissé penser que ce n'était pas le cas. L'équipe catalane est encore en course pour la Liga et la Coupe du roi et nombre de journalistes pensaient qu'il lui serait possible de vaincre au stade Vincete Calderon. On le sait, il n'en a rien été. Contre les Madrilènes au maillot rayé (le terme "colchoneros" signifie "matelassiers" en raison des rayures des matelas d'antan), le FC Barcelone a été piétiné et rudoyé comme jamais au cours de ces dix dernières années. Ce fut une faillite et un ange catalan a certainement agi pour éviter la déroute et une humiliante déculottée.

Que s'est-il passé ? Bien sûr, l'Atletico est une équipe formidable avec une rage de vaincre impressionnante. Son schéma tactique fait d'interceptions au pressing et d'une défense regroupée coulissant en permanence de droite à gauche restera dans les annales. Mais le Barça s'est battu lui-même parce qu'il est entré sur le terrain sans avoir réglé de vrais problèmes qui le minent depuis plusieurs mois.

D'abord, il y a le cas Messi. En méforme, incapable de peser sur le jeu ou même de fixer les adversaires pour dégager des espaces pour ses coéquipiers, il n'a jamais semblé capable de faire basculer la partie. A cela s'ajoutent les signes évidents d'un froid entre lui et l'encadrement du club. Restera, restera pas ? Cela fait un moment que l'avenir de l'Argentin apparaît en pointillé avec Barcelone. Pour certains, il serait temps qu'il parte ailleurs, de façon à permettre un renouvellement et l'émergence de nouveaux joueurs. Mieux, souhaiter qu'il laisse Neymar s'installer et prendre la mesure de sa nouvelle équipe n'est plus une pensée hérétique. Bien sûr, le Camop Nou lui reste acquis mais, si cette situation perdure, les sifflets contre lui viendront tôt ou tard.

Ensuite, il y a le cas Fabregas. Concernant ce joueur, la question est simple. A quoi sert-il ? Personne ne conteste son talent ni sa classe ou sa excellente vision du jeu. C'est d'ailleurs l'un des rares footballeurs à systématiquement chercher à jouer vers l'avant. Le problème, c'est qu'avec le Barça, sa place exacte n'est pas déterminée. Attaquant de pointe ? Milieu offensif ? Meneur de jeu ? En réalité, son problème est qu'il n'y aura pas de rôle majeur pour lui tant que Xavi continuera à être le dépositaire du jeu. En 2012, Guardiola souhaitait se séparer de ce dernier, estimant qu'il était temps de rajeunir l'équipe (il voulait aussi le départ d'Alves et de Piqué mais pour des raisons liées à ce qu'il estimait être une hygiène de vie insuffisante eut égard aux exigences du métier). La mise au placard de Xavi n'a pas été acceptée par les dirigeants du Barça et cela a beaucoup pesé dans la décision du "Pep" de quitter son club de coeur. Aujourd'hui, la cohabitation Xavi - Fabregas prive l'équipe d'un vrai attaquant et provoque des embouteillages au milieu. C'est elle qui grippe la machine, tout autant que la méforme de Messi.

Enfin, il faut citer les problèmes défensifs. Cela fait plus d'un an que Puyol est blessé mais le club n'a pas cherché sérieusement à le remplacer (et l'on se demande comment il va pouvoir le faire sachant que la Fifa vient de lui interdire tout recrutement pour la prochaine saison). Si Piqué arrive à livrer des prestations plus ou moins honorables (il était absent mercredi soir), son compère Mascherano peut difficilement faire oublier qu'il est d'abord un milieu de terrain et qu'il a du mal à lutter avec soit des gabarits plus larges que lui soit des joueurs rapides et techniques. Ce genre d'handicap peut être compensé contre une équipe de bas de tableau de la Liga mais pas lors d'un match européen.

En prenant les clés du Barça à la rentrée 2008, Guardiola n'a pas hésité à exiger la tête de certains joueurs, et non des moindres à l'image d'Etoo. Ce fut l'une des clés de son succès. Martino qui n'a pas la même légitimité ne peut pas le faire. Du moins pas tout de suite. Une défaite plus large contre l'Atletico aurait pu lui donner les moyens de cette révolution dont a besoin le club catalan (même si cela aurait pu aussi sonner l'heure de son limogeage). Dans les semaines qui viennent, ils seront nombreux à guetter les signes confirmant que Barça n'en finit pas de décliner.
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mercredi 9 avril 2014

L'absence d'Ibrahimovic et autres raisons de la défaite du PSG

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Commençons par un point essentiel qui semble être perdu de vue. La victoire de Chelsea contre le PSG a tenu à un fil. Il s'en est fallu de peu. Trois ou quatre minutes. C'est peu, certes, mais cela a suffit. Il est donc important de garder cela en tête au moment où les médias français et européens multiplient les critiques à l'encontre de l'équipe entraînée par Laurent Blanc. Ceci étant précisé, on peut relever quelques facteurs ayant conduit à cette défaite et, plus encore, expliquant pourquoi Paris n'a pas pu développer son jeu habituel.

- L'absence d'Ibrahimovic, les errements de Lucas et Verratti

Le PSG sans le géant suédois n'est pas la même équipe y compris lorsque Zlatan est en méforme comme ce fut le cas au match aller. L'homme pèse sur les défenses adverses, facilite le jeu de récupération de ses milieux en donnant notamment à Thiago Motta plus de latitude pour orienter et rythmer le jeu. Plus important encore, c'est un "patron". Non pas tant en matière d'animation du jeu que de recadrage de ses coéquipiers. Avec lui présent mardi soir à Stamford Bridge, un Lucas ou même un Verratti auraient été très vite rappelés à l'ordre. Le premier en raison de ses courses têtes baissées qui ne servent à rien (on passera rapidement sur ses mauvais placements défensifs notamment lors du premier but de Chelsea). Quant à Verratti, un Zlatan aurait été bien précieux pour lui faire comprendre la nécessité de ne pas trop monopoliser le ballon face à des "blues" décidés à presser haut et à ne faire aucun cadeau.

- Le cas Cavani

Qu'est venu faire Cavani à Paris sachant qu'Ibrahimovic en est la vedette première ? C'est la question que l'on est encore en droit de se poser. On nous prédisait une entente dévastatrice (pour les défenses adverses) entre les deux hommes, on l'attend encore. Difficultés dans sa vie personnelle (divorce), frustration de devoir jouer sur le côté après avoir pensé que le PSG jouerait en 4-4-2 ce qui lui aurait permis d'évoluer en pointe : ces deux éléments ne sont pas négligeables. Ils minent le rendement d'un joueur que l'on a du mal à reconnaître même s'il faut insister sur son abnégation défensive dont un Lucas ferait bien de s'inspirer.

- L'absence d'un "méchant", une certaine indolence et un manque d'expérience

Certes, le PSG a Thiago Motta qui sait se faire respecter avec quelques semelles vicieuses. Mais ce n'est pas un Terry ou même un Lampard. En regardant le match, il était patent que le PSG manquait de niaque, d'une volonté de se faire respecter dans les duels. Bien sûr, Verratti a essayé d'en imposer mais son jeune âge et sa carrure ne l'aident guère. De façon plus générale, c'est la conséquence aussi d'un championnat de France qui manque sensiblement d'intensité et d'engagement. Cette saison, le PSG a rarement été secoué. Il n'a pas la "mémoire" qu'il faut en terme d'engagement. C'est l'une des raisons qui l'ont fait reculer face à Chelsea. En clair, il faudra peut-être encore plusieurs matchs européens avant que le PSG ne monte d'un cran dans la hiérarchie de la Ligue des champions.

- L'attentisme de Laurent Blanc

L'entraîneur du PSG a attendu trop longtemps avant de décider le remplacement de Verratti par Cabaye puis celui de Lucas par Pastore. Dix minutes à peine après le retour des vestiaires, il était patent que l'équipe parisienne allait subir et que toute balle perdue au milieu serait  dangereuse. On a beaucoup parlé du coaching payant de Blanc au match aller mais pour ce retour, on l'a senti plus crispé, peut-être moins clair dans ses choix. En effet, le PSG est entré dans le match pour préserver le résultat et non pour gagner la rencontre. Et c'est la meilleure manière de perdre un match...
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Quand Mourinho imite Guardiola...

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C'est l'une des scènes qui restera certainement dans les mémoires footballistiques : José Mourinho qui court comme un dératé le long de la ligne de touche après le deuxième but de Chelsea contre le PSG (2-0) en quart de finale retour de la Ligue des champions. On se souviendra de son sprint et des instructions données à ses joueurs, notamment Fernando Torres et Demba Ba.

Du cinéma égotique, certainement même si dans le quotidien L'Equipe, Pascal Dupraz, entraîneur de l'ETG (Ligue 1 française) relève que l'entraîneur portugais a demandé à Demba Ba "de jouer stoppeur" et qu'il a placé "Torres au poste de latéral gauche". Un réajustement tactique donc pour éviter de prendre un but dans les dernières secondes.

Mais il y a une autre explication que l'on qualifiera de plus psychologique. La course de Mourinho rappelle en effet celle de son meilleur ennemi, Pep Guardiola, le 6 mai 2009 au stade Stamford Bridge après l'égalisation d'Iniesta (1-1), synonyme de finale pour le Barça et d'élimination pour Chelsea. Certes, Mourinho n'était plus alors l'entraîneur du club londonien, mais les images de Guardiola (qui lui aussi en avait profité pour donner des instructions à ses joueurs) fait, aujourd'hui encore, un tabac sur le net. Elles font figure de moment fondateur dans la carrière de l'entraîneur catalan.

Mourinho, on le sait, est obsédé par Guardiola, l'homme qui l'a empêché de réaliser ses objectifs avec le Real de Madrid (dont celui de gagner la Ligue des champions). En courant comme un fou après le but de Demba Ba, c'est un peu comme si Mourinho voulait se prouver, consciemment ou non, qu'il est capable de faire aussi bien que Guardiola.
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jeudi 3 avril 2014

Pastore, Lavezzi et la motivation du joueur pro

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On parle souvent du professionnalisme des footballeurs de haut niveau, de leur capacité à jouer tous les matchs avec la même détermination. Du moins, c'est ce qu'on attend d'eux. "Rester pro" est d'ailleurs une formule qui revient de manière régulière dans les propos, souvent lénifiants, des intéressés.

La victoire du PSG contre Chelsea (3-1) au Parc des Princes en quart de finale aller de la Ligue des champions montre que la réalité est parfois différente.

Personne ne contestera que les deux héros de la soirée ont été les Argentins Ezequiel Lavezzi et Javier Pastore. Le premier, parce qu'il a ouvert le score dès la 3° minute après un enchaînement technique exceptionnel et qu'il a été, de loin, le joueur le plus dangereux de son équipe ; compensant en cela l'incapacité (un peu inquiétante) de Cavani et d'Ibrahimovic à se hisser au niveau de l'enjeu de la rencontre. Quant à Pastore, dit "el flaco" (le maigre), son but, inscrit à la toute fin du match, restera certainement dans les mémoires. D'abord parce qu'il donne plus de chances à Paris pour la qualification (c'est une lapalissade mais un 3-1 en Ligue des Champions offre bien plus de perspectives pour le match retour qu'un 2-1). Ensuite, parce que ce fut tout simplement une merveille combinant technique (double contact et roulette), puissance (le tir) mais aussi détermination (il était à l'origine de l'action et l'a poursuivie alors que l'on pensait qu'il s'était enfermé sur le côté gauche).

Cela fait des mois que l'on critique ces deux joueurs. Souvent de manière féroce. On en veut à Lavezzi pour son déchet technique, ses courses inutiles et ses occasions manquées. On s'en prend à Pastore pour sa nonchalance sur le terrain, son blues à peine masqué et ses absences pendant le jeu. Mais contre Chelsea, les deux joueurs ont montré tout leur talent face à une grande équipe européenne. Cela signifie tout simplement que l'enjeu d'un match compte beaucoup pour eux. On l'avait déjà noté pour Pastore en 2013 face au FC Barcelone et cela s'est encore confirmé. Il n'y a rien de mieux pour un compétiteur qu'une rencontre aussi intense. Et "pro" ou pas, il est difficile de demander à un Pastore de livrer la pleine mesure de son talent sur un terrain (bosselé) de Ligue 1. La montée en puissance du PSG, l'émergence de Monaco et les progrès de quelques équipes (dont l'AS Saint-Étienne) ne peuvent oublier que le championnat français de football n'est guère... enthousiasmant (lire, ci-dessous, un article publié dans le blog afro-maghreb). Pour les spectateurs comme pour les (grands) joueurs... De quoi donner des arguments à ceux qui défendent l'idée d'une Ligue européenne qui ne regrouperait que de grandes équipes.

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La chronique foot : Le football français est ennuyeux

Blog : Afro-Maghreb, 23 décembre 2011.
Il paraît que David Beckham arrive au Paris Saint-Germain (PSG). Voilà une information qui, si elle est confirmée, va donner un peu d’intérêt au championnat de football français. Bien entendu, on peut se demander si l’arrivée du Spice Boy va servir à quelque chose sachant que l’ancienne vedette de Manchester United et du Real de Madrid est plutôt proche de la retraite sportive. Peut-être servira-t-il, comme cela se dit ici et là, à vendre quelques maillots floqués et d’autres babioles à son effigie. On espère toutefois le voir de temps à autre sur le terrain, car même vieilli, Beckham saura certainement donner un peu de passion à un football français qui en a bien besoin.

Disons-le sans précaution aucune. Le championnat de France de football est d’un ennui total. Regarder un match de Ligue 1, c’est être sûr de perdre son temps. Rien à voir avec la Ligua espagnole et encore moins avec le championnat anglais, et je ne parle pas uniquement des matchs vedette. C’est un fait, mieux vaux assister à un Newcastle – Wolverhampton  qu’à un PSG-Lille ou même à un OM-Lyon. Il y a bien longtemps que le foot français est devenu routinier et sans surprise. La faute à qui ? Aux joueurs, affirment nombre de mes confrères. Je n’en suis pas si sûr. Si problème il y a, il faut le chercher du côté des dirigeants et des entraîneurs qui ont oublié ce que l’expression « beau jeu » veut dire.

Il fut un temps où des équipes comme le FC Nantes ou encore l’AJ Auxerre offraient du beau spectacle et ravissaient à la fois leurs supporteurs et l’observateur neutre. Aujourd’hui, on est bien en peine de citer une équipe de Ligue 1 ayant consacré l’offensive comme philosophie de jeu. Le foot français, c’est l’interdiction de la fantaisie ou du beau geste. C’est la prohibition du drible et la consécration du dégagement vers l’avant.

Penser à ne pas perdre avant d’essayer de gagner

Voici ce qu’a déclaré à ce sujet le Marseillais Alou Diarra au mensuel So Foot. «Moi, aujourd’hui, quand je récupère un ballon, je dois tout de suite faire la passe. On m’a fait un lavage de cerveau. On m’a dit: ‘tu récupères, tu passes.’ Donc je récupère et je passe (…) On m’a formaté ! Moi, je voudrais bien jouer [au] football olé olé, mais ce n’est pas possible. Le football, ce n’est plus du plaisir. C’est du business. On nous formate à faire des choses pour prendre le minimum de risques. Surtout à des postes importants. Moi, j’ai un poste important où je ne peux pas tenter n’importe quoi, n’importe quand. Ce n’est pas par hasard qu’on met moins de buts en France que dans d’autres championnats, hein ! (…) En France, on pense à ne pas perdre avant de penser à gagner. »

Penser à ne pas perdre avant d’essayer de gagner… Voilà pourquoi l’on s’emm… en regardant les matchs de Ligue 1. Voilà pourquoi un Pastore va décliner. Voilà pourquoi faire appel à Beckham ne servira à rien si ce n’est à contenter l’appétit bling-bling des qataris qui possèdent le PSG. Voilà pourquoi même un joueur comme Messi serait malheureux dans le championnat français. Son entraîneur, un ancien défenseur ou milieu défensivo-destructeur (du style de Deschamps), lui imposerait de ne pas sortir d’une zone bien délimitée et donc de ne jamais dézoner et de ne jamais rien tenter en dehors des consignes (défensives et très sérieuses) d’avant-match. Dans le pays des Guillou, Platini, Giresse, Tigana et autres Cantona, cela montre bien la régression du football français…

Post-scriptum : Plus de deux ans après ce papier, la situation s'est (un peu) améliorée. Le PSG financé par le Qatar a relevé le niveau. Monaco, financé par un oligarque russe commence à le faire aussi. Pour le reste... 
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